Pokou 1

Gilles Bizouerne

[NS] il y a bien longtemps près du lac Enkam vivait une tribu paisible de nos frères. la personne qui gouvernait ce village était une femme elle s’appelait Pokou cette guerrière était respectée par tous un jour elle a envoyé deux guerriers pour aller chasser ramener de la nourriture à tout le monde. deux bonnes heures étaient passées ils n’étaient pas revenus alors les gens ont commencé à s’inquiéter puis on a entendu des cris au loin des cris presque inhumains de bêtes oh ces gens-là connaissaient bien la brousse mais ces cris-là (ils) ne comprenaient pas ce que c’était. quelques minutes plus tard les deux chasseurs sont arrivés avec un visage livide tout transpirant des jambes tremblantes puis ils ont parlé à Pokou elle a réuni tout le village et elle a dit [end]

[DD] nous allons devoir partir il y a là des gens comme vous et moi mais qui tuent ils vont de village en village et ils n’épargnent personne je ne sais pourquoi alors plutôt que la guerre fuyons [end]

[NS] et elle a pris cette décision qui n’a été constet- contesté par personne alors le forgeron a enterré ses outils le sorcier a pris quelques colliers il a récité quelques incantations on a laissé les cases telles quelles on a abandonné la lagune poissonneuse les terres fertiles et on est parti(s) les vieilles devant avec les enfants puis les guerriers et en dernière place Pokou qui avait un enfant dans son dos le petit dernier de six mois. car cette chef était aussi une mère et ils ont commencé à traverser la brousse sans s’arrêter. à chaque minute ils couraient toujours plus vite les vieux n’osaient rien dire les femmes pareillement et les guerriers soutenaient les plus faibles. au début leurs pagnes étaient déchirés par les épines de la brousse par les arbres l’écorce puis leurs habits en lambeaux c’est leur chair qui a commencé à prendre et pourtant ils fuyaient toujours. sur leur passage le singe s’arrêtait d’aller de branche en branche il les regardait il n’avait jamais vu un peuple fuir ainsi mais l’éléphant lui partait continuait son chemin sans se soucier d’eux. le lion les observait et se demandait à quoi rimait tout cela les gens ont continué à fuir ça a duré des jours. au bout d’un moment ils sont arrivés en un fleu- à l’endroit où il y avait là un fleuve qu’ils connaissaient bien seulement ce jour-là le cours d’eau était particulièrement agité et on voyait des vagues qui montaient jusqu’à la cime des baobabs impossible de passer. les gens se sont regardés sans comprendre. le sorcier tout de suite s’est mis par terre il a commencé à dessiner des signes étranges sur le sol et à réciter des phrases qui semblaient incompréhensibles puis il a regardé les gens et il a dit [end]

[DD] pour apaiser l’eau nous devons donner ce que nous avons de plus cher [end]

[NS] alors les femmes se sont approchées elles ont retiré leurs bracelets d’ivoire leurs boucles d’oreille d’or leurs chaînes de pied les hommes ont déposé leurs armes et on a commencé à voir un un tas d’argenterie et d’or monter. puis le sorcier a écarté tout ça il a regardé Pokou il l’a montré du doigt il lui a dit [end]

[DD] c’est cela que nous avons de plus cher [end]

[NS] et il désigne l’enfant dans son dos alors elle a dénoué son boubou elle a pris son fils dans ses bras et elle s’est mise juste au dessus de la du fleuve agité. cette mère était aussi la chef elle a plongé son fils dans les eaux qui remuaient qui ont commencé à s’apaiser puis un hippopotame a émergé et il a courbé son dos et un second puis un troisième sept au total qui ont formé un pont. les vieux ont commencé à passer sur ce pont puis les femmes et enfin les guerriers. Pokou elle était toujours avec son enfant plongée dans l’eau tout son peuple était sur le rivage d’en face et déjà se prosternait. à son tour elle est passée sur le dos des hippopotames qui sont rentrés dans l’eau. juste quand elle finissait de marcher sur eux quand elle est arrivée au niveau du rivage tout son peuple était là agenouillé et lui rendait honneur. elle elle a juste dit [end]

[DD] Baoulé [end]

[NS] ce qui veut dire l’enfant est mort. quand le peuple a entendu ça il a décidé de prendre ce nom pour le qualifier et pour qu’on se souvienne de cette histoire. encore aujourd’hui si vous vous rendez en Côte d’Ivoire au sud et à l’est il y a un peuple qu’on appelle le Baoulé [end]