Barbier (fin)

Gilles Bizouerne

[NS] oh commandeur des croyants eh bien écoute il y a bien longtemps alors que je n’exerçais pas encore le métier de barbier je vivais de mendicité et j’allais de porte en porte en demandant une nourriture ou au mieux un gîte pour la nuit et parfois les jours se passaient bien parfois cela n’allait pas et un matin j’ai frappé à la porte d’une grande demeure presqu’un palais et quand j’ai vu les serviteurs j’ai demandé [end]

[DD] est-ce que votre maître pourrait me donner à manger ? [end]

[NS] et les serviteurs n’ont rien répondu ils m’ont laissé la place ils m’ont dit [end]

[DD] mais vas le voir vas le voir [end]

[NS] alors j’ai avancé je suis arrivé dans une cour intérieure il y avait là un homme d’allure noble. respectueusement je me suis agenouillé je me suis j’ai dit [end]

[DD] maître maître de cette maison pourrais-je avoir à manger ? [end]

[NS] l’homme m’a regardé il a dit [end]

[DD] [sigh=oh] mais tu tu n’as pas mangé ? [end]

[DD] non non je n’ai pas mangé j’ai faim je n’ai pas mangé depuis hier [end]

[fDD] tu n’as pas mangé depuis hier ? [sigh=oh] et moi qui vis à Bagdad [sigh=hah] moi qui vis à Bagdad je ne savais pas ça mais c’est fou mais lève-toi mon ami lève-toi tu vas manger [end]

[NS] l’homme s’est levé. visiblement il était bien reçu et le maître de maison a dit [end]

[DD] qu’on apporte [narrator starts clapping] tout de suite tout de suite qu’on apporte une bassine avec de l’eau [narrator stops clapping] [end]

[NS] et là personne n’est venu et le maître de maison a dit [end]

[DD] mais lave-toi les mains lave-toi les mains mon ami voyons lave-toi les mains puis mangeons [end]

[NS] et le mendiant a regardé l’homme et il s’est dit [end]

[DD] visiblement il aime bien rire je vais me prêter au jeu [end]

[NS] et il s’est lavé les mains également. avec rien du tout et puis le maître de maison a dit [end]

[DD] qu’on [narrator starts clapping] m’apporte une serviette une serviette [narrator stops clapping] ah merci pour la serviette mais essuie-toi les mains [end]

[NS] et le mendiant s’est essuyé avec une serviette imaginaire et puis le maître de maison lui a dit [end]

[DD] installe-toi sur ce beau coussin moelleux [end]

[NS] l’homme a regardé par terre. une dalle froide. il s’est assis dessus en face de lui le maître de maison a dit [end]

[DD] alors écoute nous allons commencer par ben tiens du poulet du poulet à la pistache qu’on apporte le poulet à la pistache regarde-moi ce serviteur n’est-il pas beau? et regarde le plateau qu’il porte il a du mal à le soulever de ses deux mains regarde comme il le pose juste devant toi régale-toi mon ami c’est pour toi [end]

[NS] et le mendiant s’est régalé avec des morceaux de poulet imaginaire qu’il a fait semblant de manger il faisait marcher ses mâchoires et devant lui l’hôte de la maison faisait de même et petit à petit les plats ont défilé comme ça accompagnés de pain on a vu des fruits secs on a vu des légumes on a vu de la viande du poisson et au bout d’un moment le mendiant a regardé son hôte et il a dit [end]

[DD] je n’en puis plus j’ai le ventre plein [end]

[NS] alors l’hôte de la maison a dit [end]

[DD] oh mais attends certes nous avons mangé mais maintenant nous allons boire fais-moi le plaisir de boire [end]

[NS] et mendiant a dit [end]

[DD] non non je je ne peux pas boire je ne bois pas [end]

[NS] et l’hôte de la maison a dit [end]

[DD] allons tu (ne) vas pas me fâcher [narrator starts clapping] qu’on apporte le vin [narrator stops clapping] [end]

[NS] et on a apporté un vin imaginaire et personne ne l’a apporté d'ailleurs et le maître de maison a commencé à servir une fausse coupe et il l’a tendue à l’homme qui l’a saisie qui l’a remercié et qui a commencé à boire rien du tout et le maître de maison a bu rien du tout et il a demandé une autre carafe et on a apporté une autre carafe imaginaire et ainsi de suite et au bout d’un moment le mendiant s’est levé tout titubant il s’est rapproché près du maître de maison et lui a donné un coup derrière la tête et le maître de maison a levé la tête et il lui a dit [end]

[DD] qu’est-ce qui te prend? tu es fou [end]

[NS] et là le mendiant a dit [end]

[DD] oh maître je crois que c’est le vin qui m’a rendu saoûl [end]

[NS] et le maître de maison a trouvé que cet homme avait de la repartie alors il a dit [end]

[DD] cela fait bien longtemps je me livre à ce petit jeu mais tu es le premier mendiant qui s’y prête [narrator claps 3 times] qu’on m’apporte la bassine [end]

[NS] et une vraie bassine est arrivée avec un homme et on s’est vraiment lavé les mains puis on a demandé du poulet avec des pistaches puis des fruits secs puis des plats du poisson de la viande des desserts et on a vraiment mangé et ce mendiant est devenu l’ami du maître de maison il s’occupait de ses affaires. les pourparlers. ça a duré vingt ans vingt ans de prospérité et un jour l’homme qui était assez âgé est mort et le lendemain de sa mort le sultan a confisqué tous ses biens parce qu’il n’avait pas d’héritier et le mendiant s’est retrouvé à nouveau mendiant comme il l’avait été la première journée alors il s’est mis à errer dans les rues sans but précis il a fait des voyages à gauche à droite sans vraiment savoir où aller il a visité des villes et un jour au cours d’un de ses voyages sa caravane s’est fait attaquer par des bédouins il a été fait prisonnier et son nouveau maître tous les jours le frappait lui demandant [end]

[DD] vas-tu te racheter esclave? je me doute que tu dois être riche dis-moi ton prix vas-tu t’acheter esclave ? [end]

[NS] et le mendiant le regardait et lui disait [end]

[DD] mais je n'ai que ma pauvreté qui m’appartienne je n’ai rien je ne peux pas me racheter [end]

[NS] et l’homme le frappait tant et tant qu’un jour il a été tellement énervé qu’il a sorti son couteau et qu’il lui a fendu la lèvre depuis ce temps-là on l’a appelé Lèvre-Coupée l’homme le barbier. et puis chaque jour c’était pareil et ce bédouin avait une femme et la femme elle tournait autour des prisonniers et elle tournait plus particulièrement autour du barbier de Lèvre-Coupée l’homme lui il essayait de la fuir il se disait [end]

[DD] si jamais mon maître l’aperçoit près de moi il va se faire des idées et là Dieu seul sait ce que j’aurais en récompense [end]

[NS] mais un beau jour la femme elle s’est tellement approchée qu’il n’a pas eu le temps de se reculer et à ce moment-là le maître le bédouin passait quand il a aperçu sa femme juste à côté de son prisonnier ben il s’est fait des idées il s’est rapproché du prisonnier. une fois de plus il l’a battu à mort et il l’a abandonné en haut d'une montagne. il a continué son chemin un jour il y a une caravane qui est passée qui a récupéré cet homme et qui l’a ramené jusqu’à Bagdad et cet homme est devenu barbier et on l’appelait le barbier à la lèvre coupée voilà mon histoire calife calife Arun al Rachide [end]