1001 Nuits, 3
Pascal Quéré
[NS] ô grand roi cela est simple apprends qu’il y avait autrefois dans les temps anciens dans les temps reculés un homme qui était pêcheur de son métier et on dit qu’il partait tous les matins avec son filet et qu’il le jetait au meilleur endroit du fleuve. enfin quand on dit meilleur endroit sans doute avait-il été un endroit généreux en d’autres périodes mais pour ce pêcheur précisément c’est l’endroit de la nullité et de l’inexistence son filet reste désespérément vide et pourtant il le jette nombre de fois. on dit qu’un jour qu’il était ainsi à à pêcher le soir tombait et trois hommes sont venus de ce côté. c’étaient des marchands qui déambulaient après avoir beaucoup marché et lorsque le chef des marchands entend la plainte de cet homme il s’arrête en lui disant [end]
[DD] ô toi pourquoi ces pleurs et pourquoi ces malédictions et pourquoi ces prières? [end]
[fDD] je jette mon filet jour après jour et le fleuve semble ne pas vouloir m’honorer je ne sais pas pourquoi la destinée est ainsi si terriblement attachée à mon cou [end]
[fDD] et bien jette sur ma chance quoique tu s- quoique tu retires du fleuve à ce moment je te le paie cent pièces d’or [end]
[NS] et le pêcheur accepte et le filet à présent [coughing: épouse] l’eau et s’enfonce et au moment de le sortir mais cela est tout à fait impossible il est devenu si lourd si lourd qu' il est obligé lui-même de plonger pour soulever le filet pour l’amener jusqu’au bord. oh mais aucun poisson dans ce filet simplement un grand coffre de bois et le pêcheur reçoit les cent pièces d’or et le chef des marchands marche devant tandis que les deux autres portent le coffre et ils se dirigent non pas vers une auberge où ils auraient élu domicile le temps de leur passage en cette ville mais ils se dirigent tout simplement vers le palais du roi car le chef des marchands n’est autre que le roi lui-même qui chaque soir prend plaisir à ainsi habillé sans être reconnu à se promener pour entendre pour voir pour savoir et pour vivre et pour interroger. et il est tellement impatient de découvrir ce que ce coffre peut bien contenir. ce coffre on dit que lorsqu’on l’ouvre après avoir brisé les serrures on a trouvé un grand tapis roulé et on déroule le tapis un deux trois quatre cinq six sept. sept morceaux d’une femme découpée et le roi regarde son vizir qui l’accompagnait à la promenade et lui dit [end]
[DD] tu es chargé de la sécurité en cette ville et en ce pays et je vois que l’on peut tuer découper les habitants sans que tu n’en saches rien je t’accorde trois jours pour trouver la raison et l’assassin et si tu ne réussis pas je veux que ta mort serve d’exemple à tous les incapables qui vont te succéder [end]
[NS] et le vizir baisse la tête et il rentre chez lui et l’on dit que durant les trois jours il est resté prostré comment trouver dans une ville si immense qui était la plus belle des villes en ce temps-là avec tant de voyageurs et tant d’habitants et tant d’invités et tant d’artistes comment trouver ? et il n’a pas cherché et il est revenu la tête basse [end]
[fDD] ô grand roi tu m’as demandé l’impossible et bien je vais accomplir le possible avec toi [end]
[NS] quelque temps plus tard toute la ville est invitée à assister à la mort de ce vizir et on annonce qu’une femme a été trouvée coupée dans un tapis roulé dans un coffre au fond du fleuve et que ce vizir a été non seulement incapable d’empêcher ce meurtre mais incapable d’en découvrir la vérité et à peine a-t-on terminé d’évoquer ce malheur avant même que le sabre soit levé pour s’abaisser sur le cou de ce vizir dans l’assistance de ce côté on voit un homme s’approcher bousculer les uns les autres s’excuser en disant [end]
[DD] vous ne pouvez pas faire ça arrêtez je vous en supplie le vizir est innocent le coupable c’est moi [end]
[NS] c’était un jeune homme d’une immense tristesse et d’une grande beauté qui était là la tête baissée. le roi a ordonné qu’on libère son vizir et qu’on attache ce jeune homme afin de le tuer le sabre n’était pas encore levé lorsque dans l’assistance de ce côté il y a eu comme un bruit comme un brouhaha un mouvement et on on peut voir un homme bien vieux s’approcher s’excuser passer au-dessus des corps assis pour dire [end]
[DD] vous ne pouvez pas faire cela ne tuez pas ce jeune homme le coupable c’est moi [end]
[NS] et le roi ne comprend pas il n’avait personne à condamner maintenant deux coupables s’accusent et comme il aime savoir la vérité ils sont invités dans le palais et l’on dit que c’est le vieillard qui parla le premier [end]
[DD] ô grand roi sache que la jeune femme morte et découpée était mon épouse c’est vrai que j’étais bien vieux et que cette jeune femme était bien jeune mais la vieillesse ne m’empêchait pas d’être d’une jalousie terrible. un jour je rentre du marché et je vois ou plutôt j’entr’aperçois la silhouette de mon épouse s’éloigner de la fenêtre je lui dis ô toi femme que faisais-tu derrière cette fenêtre ? elle me dit mais je n’étais pas derrière la fenêtre je passe dans la maison ô mon époux [end]
[DD] je l’ai regardée ô toi femme trompeuse femme menteuse comment oses-tu ne pas dire la vérité? tu étais derrière cette fenêtre pour voir celui que tu allais inviter dans cette maison pour me tromper et la colère me saisit à ce moment ô grand roi et ne m’appartenant plus appartenant à mon poignard que je brandis je tuai ma femme et je la coupai en sept morceaux puis je roulai les corps dans un tapis dans le coffre et je fis porter le coffre jusque dans les eaux du fleuve [end]
[NS] à peine avait-il terminé de parler que le jeune homme a dit [end]
[DD] ô grand roi n’écoute pas les paroles de celui-là il ne connaît rien et il prononce ceci pour me sauver moi-même car il n’a jamais été l’époux de cette jeune femme en vérité c’était son père et l’époux c’était moi et il a parlé pour sauver ma vie il est d’une grande générosité. vois-tu. la chance a favorisé le début de ma vie la famille dans laquelle je suis né était si riche qu’elle a pu payer les meilleurs professeurs et j’ai tant appris du monde et j’ai tant appris des livres et de la poésie et je connaissais toutes sortes d’écritures et j’ai eu la grande chance d’épouser cette jeune femme que j’ai aimée et qui m’a aimé pendant des années et nous avons ainsi eu la chance de voir la fertilité nous récompenser trois enfants et puis un jour voilà que le malheur est arrivé dans ma maison comme s’il avait lui-même soulevé la tenture qui cachait l’entrée de notre chambre un matin ma jeune femme fut incapable de se lever et même incapable de parler de prononcer la moindre parole et moi je lui demandais ce que je pouvais faire pour elle pour l’aider pour la sauver pour pour lui permettre de retrouver cette vie qui qui semblait s’éloigner d’elle déjà et elle n’a pas pu me répondre et je suis allé chercher tous les médecins qui ont accepté de venir et de me suivre et qui n’ont rien vu qui n’ont rien su qui n’ont pas su me consoler et me rassurer et les jours passent et je vois peu à peu ma femme devenir plus immobile qu’une statue et son souffle ne s’entend plus et ses paroles ne sont plus que que l’ombre des paroles et lorsqu’elle parle je dois tendre l’oreille et je ne comprends pas ce qu’elle veut me dire et ses yeux sont déjà n’appartiennent plus déjà à ce monde et un jour considérant que sa vie allait s’arrêter je lui ai demandé si si elle elle voulait ou ou s- ou s- que pourrais-je faire pour l’honorer pour lui rendre tout le plaisir qu’elle m’avait donné et j’ai compris sa réponse depuis tant de jours j’ai compris elle me demandait simplement le grand honneur et le grand bonheur de goûter à un fruit merveilleux un fruit dont on a tant entendu parler mais que je n’avais pour ma part jamais goûté une pomme qui pousse en ces pays lointains et je lui ai demandé simplement de tenir en vie quelque temps je suis parti sept jours pour me rendre à un verger réputé et là j’ai payé très cher pour obtenir trois pommes et je suis revenu et lorsque j’entre dans notre chambre mon épouse est toujours vivante et je m’approche et je lui dis ô toi les pommes que tu désires les-voici une rouge une verte et une jaune les-voilà pour toi. je les pose à ton côté et le plat est est ainsi près d’elle et et j’entends bien enfin je vois je je ressens qu’elle est si heureuse et de crainte de la troubler et de la gêner par ma présence et de la fatiguer je m’éloigne et je promène je me promène dans la ville voilà qu'en pleine rue un peu plus tard je croise un homme un esclave noir avec une pomme jaune dans la main et qui lançait cette pomme qui la rattrapait et moi je le dépasse dans la cohue puis je m’arrête et je reviens vers lui et je lui dis ô toi dis-moi mais tu tiens en tes mains un fruit tout à fait rare. d’où te vient-il ? et il me répond en partant d’un grand rire de mon amante de ton amante ? ah oui elle est affublée d’un mari qui est une véritable malédiction [audience laughter] nous n’arrivions pas à l’éloigner et enfin l’idée nous est venu de contrefaire la maladie et de souffler et de ne plus parler et de le voir se décomposer là et enfin le jour où il pose la seule question qu’il aurait dû poser depuis longtemps nous l’éloignons pour sept jours de félicité. et il vient de revenir aujourd’hui quel malheur pour moi j’étais caché dans la chambre et j’ai tout vu et ses regards et sa présence et les trois pommes posées et moi je l'ai laissé partir cet homme et je n’ai pas compris comment un tel bonheur avait-il pu être bâti sur tant de mensonges? et je suis rentré chez moi sans attendre et lorsque je m’approche de mon épouse allongée je regarde dans le plat sur le côté deux pommes étaient posées et la jaune n’était plus là et j’ai attrapé mon épouse en lui disant ô toi comment oses-tu contrefaire ainsi la maladie ? comment oses-tu tromper ton époux ? où est cette pomme ? et elle a répondu dans un souffle qu- qui semblait être le dernier qu’elle ignorait totalement je lui ai dit tu viens de prononcer tes dernières paroles car c’est ton amant qui à présent se promène en ville et cette femme que j’avais tant aimée. de mes propres mains je l’ai tuée et je m’acharnais sur elle jusqu’à la découper en sept morceaux et lorsque la fureur s’éloigne de moi j’ai roulé les morceaux dans un tapis puis dans un coffre et j’ai fait porter ce coffre pour le marier avec le fleuve et ô grand roi cette histoire qui est la mienne vois-tu n’est pas encore terminée car lorsque je rentre et que j’arrive dans ma maison et que je vois devant la porte de ma maison mon enfant mon garçon le plus grand je le vois pleurer et je le vois jeter vers moi des regards terrifiés et je lui dis mais toi qu’as-tu ? il me dit ô mon père je suis persuadé que lorsque tu sauras ce qui s’est passé tu me frapperas et j’ai tellement peur de toi c’est que voilà lorsque tu es revenu j’étais tellement curieux de voir ces fruits que tu avais été chercher si loin que je suis entré dans la chambre de notre mère mais pour ne pas la déranger j’ai simplement pris l’une des pommes et puis je suis venu là devant la devant la porte dans la rue et puis un homme un grand homme noir qui s’est approché de moi qui m’a dit qu’est-ce que tu fais avec cette pomme ? ne sais-tu pas que c’est une f- c’est un fruit pour une table de roi ? moi j’ai dit c'est simplement ma mère qui va mourir et mon père est allé loin pendant sept jours pour aller la chercher et il vient de la rapporter il m’a donné une grande claque et il a pris cette pomme et moi j’ai tellement peur ô grand roi lorsque j’ai entendu la vérité sortir de la bouche de mon enfant lorsque j’ai compris à quel point l’on peut être emporté par le galop de la colère et de la stupidité j'ai regretté amèrement et lorsque j’ai appris qu’on allait tuer un innocent je n’ai pas pu laisser faire cela et je ne veux pas que ce vieillard meure pour moi je suis le véritable assassin tue-moi [end]
[NS] et l’on dit que le roi s’est tourné vers son vizir en lui disant [end]
[DD] je t’accorde trois jours pour trouver cet homme cet homme noir qui a volé la pomme à ce jeune enfant [end]
[NS] et le vizir qui avait vu s’éloigner de lui l’ombre de la mort la voit maintenant se rapprocher l’encercler et il rentre dans son palais et il reste trois jours prostré pour revenir [end]
[fDD] ô grand roi je n’ai pas trouvé [end]
[fDD] il faut que ta mort serve d’exemple à tous les incapables [end]
[NS] et chacun est invité et lorsqu’enfin la raison est donnée dans l’assistance de ce côté bousculade [end]
[fDD] laissez-moi passer vous ne pouvez pas tuer cet homme le coupable c’est moi [end]
[NS] et c’est un grand esclave noir qui s’approche les yeux embués de larmes quand il apprend que son maître va mourir car il n’est autre que l’esclave du grand vizir [end]
[DD] bien. qu’on délivre mon vizir et qu’on tue cet esclave [end]
[NS] et voyez en ce temps-là un esclave appartenait corps et vie à son maître mais souvent les esclaves étaient bien traités et ils appartenaient à la famille et le vizir n’a pas pu supporter que son esclave pour un tour qu’il avait fait soit tué. aussi il s’approche du roi en disant [end]
[DD] ô grand roi me permets-tu de te demander ceci? si je te raconte une histoire qui est plus étonnante que celle de ce jeune homme et de son épouse acceptes-tu de m’offrir la vie de mon esclave? [end]
[NS] et le roi a dit [end]
[DD] eh bien parle je verrai [end]